Coordination pour une Agriculture Paysanne Sociale et Environnementale en Bretagne : Une grande idée

Le 1er février 2022, 27 organisations ont signé le texte commun déclarant la création d’une Coordination pour une agriculture Paysanne Sociale et Environnementale en Bretagne.

À l’origine de l’aventure malouine

Un contexte local

  • déjà fortement marqué par des problèmes de qualité de l’air dénoncés par Eau et Rivières de Bretagne et le silence sur la très forte pollution de l'air à l'ammoniac par Timac agro pendant de nombreuses années.
  • la conférence d’Inès Léraud à Saint-Malo le 25 octobre 2019 à propos de la BD Algues vertes : l’histoire interdite
  • l’implantation du mouvement « Nous voulons des coquelicots » dans de nombreuses localités de part et d’autre de La Rance

La mise en place d’un dispositif policier décidé par le ministre de l’intérieur Christophe Castaner avec l’appui des organisations professionnelles majoritaires :

  • Une cellule de gendarmerie affectée spécialement au suivi des organisations militantes opposées au modèle agricole productiviste1

Deux évènements ont à cette période, marqué l’actualité et ont amené le comité local Attac Pays malouin-Jersey à réagir à une situation intolérable :

  • 22 janvier 2021 : victoire d’Inès Léraud dans l’affaire qui l’opposait à Jean Chéritel
  • 26 au 27 mars 2021 : attentat contre Morgan large.

Ces faits ne sont que la manifestation d’un pouvoir occulte des lobbies de l’agroindustrie en Bretagne dont on mesure la puissance par la succession des conflits qui ont marqué la société sur les plans environnemental, économique et politique depuis plus de vingt ans. Le capitalisme breton s’est rapidement organisé en puissants lobbies qui se sont mis en place concomitamment avec le développement de l’agro-industrie et la création des coopératives agricoles au service d’un syndicat hégémonique. En pénétrant le pouvoir régional et en contrôlant la presse2 il a mis en place un système antidémocratique fonctionnant en réseau d’influence, de connivences et de liens organiques. Il fallait donc amplifier la résistance.

Le choix d’une action collective

Attac Pays malouin – Jersey est plutôt engagé dans le combat contre les paradis fiscaux, la spéculation, le pouvoir des banques, la justice fiscale. Mais là Il fallait faire quelque chose. En tant que militant d’Attac, nous étions dans la droite ligne des axes de lutte de notre association : reconquérir les espaces perdus de la démocratie, s’opposer à la puissance de la finance et des lobbies dans l’économie et lutter contre l’accaparement des richesses.

L’opportunité a été l’Université d’été des mouvements sociaux qui allait se dérouler à Nantes du 24 au 28 août. La décision de proposer un projet d’atelier sur ce thème a été prise par le comité local Attac Pays malouin – Jersey le 17 février 2021 avec comme préconisation de contacter des organisations proches. C’était d’ailleurs une exigence du comité organisateur de l’Université. Une première ébauche a été envoyée en mars au comité de pilotage.

Attac 22, Solidaires 22 et La Confédération paysanne 22, avec qui nous avions déjà travaillé sur d’autres sujets, ainsi que l‘organisation des lanceurs d’alerte Splann, se sont immédiatement associés au projet et ont apporté toute leur expertise et leur engagement militant, sans quoi rien n’aurait été possible. Le 26 juillet 2021 une réunion vidéo s’est tenue entre les quatre organisations pour préciser le projet de l’atelier UEMS avec pour objectifs d’’informer, de dégager un accord de principe des participant.e.s sur l’idée d’une structure permanente de réflexion sur la question du productivisme agricole, et de rassembler le soutien le plus diversifié possible (organisations ou militant.e.s à titre individuel, associations, syndicats) sur la base d’un engagement sans connivence avec le système productiviste actuel.

L’atelier s’est tenu le 27 août avec plus de 50 personnes en majorité de l’ouest de la France. Nous avons récolté 28 mèls de participant.e.s qui souhaitaient une suite au travail réalisé. Nous en avons conclu que l’atelier n’était pas une fin en soi, mais un début, et que nous étions en mesure de donner une suite à cette réflexion.

Un vidéo débat organisé le 9 décembre 2021 pour un échange exploratoire sur les perspectives que nous envisagions a rassemblé 21 personnes issues de 18 organisations et nous a permis de voir que nous n’étions pas seuls à penser ainsi. Nous avons pu dégager des convergences fortes sur la forme d’organisation à définir, avec une adhésion de principe à l’idée de cette coordination horizontale et ouverte sur la diversité, mais aussi sur le fond avec l’idée de faire valoir la richesse de cette diversité, la force que nous représentions une fois rassemblés, le dynamisme et la validité de notre réflexion, de nos analyses et de nos propositions pour un changement de système.

La réunion du 1er février 2022 Création de la CAPSEB :
Coordination pour une Agriculture Paysanne Sociale et Environnementale en Bretagne

Symboliquement, la réunion fondatrice s’est déroulée le 1er février à la ferme de Brémelin. Cette exploitation bio créée il y a cinquante ans, fait vivre maintenant cinq personnes sur 34 hectares, preuve que les fermes en agriculture paysanne créent de l’emploi pérenne. Elle vend en circuit court des légumes bio et de la viande de cerf, elle accueille aussi dans ses murs un fournil de boulangerie bio, montrant ainsi que le bio local en s’appuyant sur la formidable diversité du vivant est le modèle qui permet d’éviter la catastrophe sociale, environnementale et économique que nous prépare le productivisme agricole.

Collectif agro

La réunion qui a rassemblé trente organisations sur la journée, a atteint deux objectifs :

  • la rédaction d’une déclaration fondatrice3 définissant les principes de fonctionnement, l’engagement d’un soutien collectif aux actions engagées par des membres de la coordination et répondant aux objectifs de la coordination
  • la création d’un observatoire régional du monde agricole, sorte de conseil scientifique chargé d’élaborer des analyses, études et outils divers de nature à s’opposer aux affirmations et aux choix des tenant.e.s du productivisme.

Validé immédiatement par 27 organisations (d’autres sont en attente de la décision de leurs instances) le texte constitue un évènement susceptible de répondre aux attentes de tous celles et ceux qui appellent à un rassemblement de toutes les forces qui, localement, font exister cette agriculture paysanne, sociale et environnementale afin de mettre en œuvre un modèle agricole respectueux de la nature et des hommes.

Notes

1 Présentation de la cellule DEMETER. Dossier de Presse du Ministère de l'intérieur, 13/12/2019
La lutte paie : Le jour même de la création de la coordination était annoncé la décision du tribunal administratif de Paris de « faire cesser les activités de la cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole [cellule Déméter] qui visent à la prévention et au suivi d’“actions de nature idéologique” » dans un délai de deux mois, sous peine d’une astreinte de 10 000 euros par jour. Le suivi de ces actions par la cellule est illégal, car il s’agit « de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ». Voir l’article dans Reporterre, 01/02/2022.

2 Tribune de 350 journalistes. Article dans Reporterre, 26/05/2020

3 Déclaration de la coordination pour une agriculture paysanne sociale et environnementaleDéclaration de la coordination pour une agriculture paysanne sociale et environnementale (106.57 Ko)

 

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