Réaction à la tribune de J.-P. Gayant « 600 jours pour sauver la démocratie »
- Le 12/07/2025
- Dans Démocratie
Le jour même de la publication de la tribune de M. J.-P. Gayant (« 600 jours pour sauver la démocratie ») dans Ouest-France semble avoir été particulièrement bien choisi : celui ou l’Insee révèle, lundi 7 juillet, que le taux de pauvreté en France atteint 15,4 %, son plus haut niveau depuis le début du décompte en 1996 et que l’écart entre les 20 % les plus riches (notamment « porté par les rendements des produits financiers ») et les 20 % les plus pauvres s’est creusé, proche de celui du début des années 1970.
Celui, également, où, à la suite des associations engagées dans la lutte pour la justice fiscale, une tribune signée de sept prix Nobel en faveur de la « Taxe Zucman » parue dans Le Monde rappelle, qu’« il semble difficile de demander des efforts à quelque catégorie sociale que ce soit avant de s’être assuré que les plus fortunés ne se soustraient pas à l’impôt ».
Or, des efforts, encore des efforts, toujours des efforts, et de manière indifférenciée, c’est précisément ce que semble exiger M. J.-P. Gayant, présentant de manière alarmistes des chiffres sur la dépense publique dont beaucoup de ses collègues économistes expliquent en grande part le sous-financement par la baisse continue des ressources fiscales de l’État.
- Quid, par exemple, des niches affectant la fiscalité du patrimoine et de l’héritage, du statut des holdings personnels et de l’évitement ou de l’optimisation fiscale ?
- Quid du Crédit impôt recherche (7,74 milliards de manque à gagner pour l’État) dont la Commission d’enquête sénatoriale rappelle que son efficacité n’a « jamais été démontrée » ?
- Quid du C.I.C.E. ((Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, 22 milliards d’euros par an), transformé en exonérations pérennes de cotisations sociales depuis 2019) ? Etc.
Patrick Artus, économiste, membre du Cercle des Économistes, lui aussi favorable à la Taxe Zucman, rappelait récemment que le taux moyen de taxation des plus grosses successions n’est que de 10 %, en raison du pacte Dutreil. Ce dernier ouvre le droit à un abattement de 75 % sur la valeur des titres lors de la transmission d’une entreprise, sans plafond. Une proposition de loi visant à mieux l’encadrer vient d’être taillée en pièces à l’Assemblée nationale par les soutiens du gouvernement et le R.N...
Certes, “ taxer les riches ” ne doit pas être la réponse à tout et M. J.-P. Gayant a raison d’alerter sur l’état de notre pays. Mais son appel à soutenir des candidats supposés « responsables », dont beaucoup nous ont conduits là où nous sommes, risque de rester inaudible à beaucoup… Sa crainte de la « radicalité » également, d’autant qu’elle est pour lui, indifférenciée (« extrémiste de droite ou de gauche ») oubliant, ou feignant, d’oublier que le Conseil constitutionnel - pas vraiment constitué de " gauchistes "- a clairement déclaré le R.N. d'extrême-droite et L.F.I de gauche…
Cet économiste oublie également de parler d’un sujet pourtant au cœur de l’actualité, la fameuse Taxe Zucman, évoquée ci-dessus. Récemment rejetée par le Sénat, ce projet d’un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros s’est, en effet, heurtée au blocage de la droite et d’une très large partie des centristes. Patrick Artus, dont nous évoquions le soutien à cette taxe Zucman assurait pourtant que son soutien à cette taxe « n’est pas politique mais basé sur une analyse de l’efficacité économique ».
Son propos rejoint celui des sept prix Nobel signataires de la tribune du Monde :
« À l’heure de la dérive des comptes publics et de l’explosion de l’extrême richesse (…) ce dispositif permettrait de s’assurer que les ultrariches contribuent aux charges communes dans les mêmes proportions que le Français moyen. Même si les sénateurs ont fait obstacle à cette avancée, il n’y a aucun doute que ce projet va dans le sens de l’histoire. »
Elle pourrait rapporter entre 15 et 25 milliards d’euros de recettes supplémentaires au budget de l’État sans quasiment rien changer à la richesse des foyers fiscaux concernés.
Aussi longtemps que les gouvernements qui se succèdent refuseront d’engager de vraies réformes fiscales et que se poursuivra l’accroissement démesuré des disparités sociales, les « appels au bon sens » et à la « responsabilité », les discours d’austérité ou de sobriété (cette dernière dans une perspective écologique, notamment) resteront inaudibles pour le plus grand nombre. Les zélateurs des régimes autoritaires continueront de faire leur miel du ressentiment ainsi engendré et il sera vite trop tard pour « sauver la République ».
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► « 600 jours pour sauver la démocratie ». Publié par Ouest-France, le 07/07/2025.
► « Avec l'impôt sur les ultrariches, la France peut montrer la voie au reste du monde » : le plaidoyer de sept prix nobel d'économie pour la taxe Zucman. Publié par Le Monde, le 07/07/2025.
► Comment la diminution des recettes publiques et les cadeaux fiscaux ont creusé la dette publique. Publié par Attac, le 26/03/2025.