Editorial : Cette loi qui nous travaille !
- Le 23/03/2016
- Dans Editorial
Côte d’Emeraude, terre de tourisme, haut lieu de l’hôtellerie-restauration.
Voilà des patrons de PME qui vont se réjouir en masse d’une éventuelle mise en œuvre de la loi-travail !
Nos élèves d’établissement d’enseignement hôtelier sont-ils conscients de l’avenir radieux qu’on leur prépare ? Ils ne sont généralement pas très enclins à renâcler, ils sont trop souvent destinés à la soumission, à la souffrance au travail et au silence, au nom de « la qualité du service ». Mais tout de même !...
En juin dernier, au moment de la loi Macron, après une critique en règle du referendum d'entreprise, la CFDT (oui, vous lisez bien) écrivait :
« Nous sommes consternés par les différentes discussions portant atteinte au droit du travail. Nous ne sommes pas en totale opposition à simplifier le Code du travail : le rendre plus compréhensible et plus accessible pour l’ensemble des salariés afin qu’ils puissent connaître leurs droits. Par contre, nous refusons que la simplification soit associée à un détricotage des textes pour supprimer des droits fondamentaux, exercice que le gouvernement semble bien s’approprier ».
Comme quoi la migration colorimétrique du sommet (du rose vers l’orange, puis… ) n’a pas encore totalement jauni la base ! On attend que ce syndicat passe en masse dans une autre confédération, comme d’autres branches l’ont fait dans le passé !
Les salariés de ce secteur d’activité, déjà fortement soumis dans notre région aux contraintes de l’emploi saisonnier, seront en effet particulièrement touchés par ce qu’on appelle « l’inversion des normes ». Rappelons que la norme en question est celle qui, dans le droit du travail, dit qu’un accord d’entreprise ou d’établissement peut être signé s’il est plus favorable aux salariés que les accords de branche et nationaux en vigueur. Dans la loi-travail, c’est l’inverse !
Le jeune commis de cuisine, déjà militarisé dans sa brigade, pourra-t-il refuser quoi que ce soit, en face à face, à son patron, au nom de la compétitivité et du maintien de l’emploi ?
L’inspection du travail n’y aura même pas son mot à dire, elle est largement écartée dans la loi-travail, ainsi d’ailleurs que la médecine du travail.
Nous et nos chers touristes devons-nous nous réjouir de voir nos bistros, restaus, hôtels, ..., qui se rassasient déjà des stagiaires de nos lycées hôteliers sans toujours leur apporter autre chose que l’expérience de la pression extrême du travail et des horaires délirants (« si cela ne te convient pas, il faut changer de métier ! » ), nous réjouir disais-je de voir ceux qui font tourner la boutique totalement à la merci de ceux qui, parce qu’ils y ont investi, en récoltent les fruits ?
Les accords nationaux et les accords de branches permettaient de les protéger a minima, cette loi les désarme totalement.
Mangerons-nous, dormirons-nous, mieux ainsi ?