Un malo-trump à St Malo !

  • Le 19/03/2016
  • Dans Local

Le Malotru (ainsi auto-proclamé plus par antiphrase que par provocation) vient de trouver dans l’actualité locale matière à pourfendre ce qu’il redoute le plus, la violence des puissants, la grossièreté et l’indigence des propos.

 « Le commerce en centre-ville n’a aucun avenir ».

 

2016 beaumanoir

Au niveau des faits, tout commence par un bel entretien de notre « acteur incontournable de la vie malouine » -dixit Le Pays Malouin- dans son édition du 18 février 2013. Au détour de ce long papier qui valorise le « capitaine d’industrie », ses réalisations à Saint-Malo et dans le monde (2800 magasins, 1,37 milliard d’euros de C.A.), ses projets (un multiplexe à La Découverte, un multistore à La Madeleine, etc.), apparaît une petite phrase, reprise en sous-titre par Le Pays Malouin : « Le commerce en centre-ville n’a aucun avenir ». Parmi les explications suggérées par l’auteur du propos : « Les politiques municipales chassent les voitures des villes… On vomit la voiture »…

 

La réponse de l’élu

Dans son édition du 25 février, la semaine qui suit, Stéphane Perrin, Conseiller Municipal PRG (Parti Radical de Gauche) de Saint-Malo, mais également, un des trois élus de Saint-Malo (avec Martin Meyrier, PS, et Claire Guinemer, Les Républicains) au Conseil Régional, répond par une brève « lettre ouverte » intitulée : « Commerce de centre-ville : La renaissance plutôt que l’enterrement ». Celui qui dirigea la liste d’opposition « de gauche » lors des dernières élections municipales, liste qui arriva en deuxième position, écrit notamment : « Si le commerce de centre-ville est mort, R. Beaumanoir aura bien jeté quelques pelletées de terre sur le cercueil ». L’élu P.R.G. se permet une dernière saillie : « On ne sait si R. Beaumanoir a pris le temps d’informer son poulain Claude Renoult de la mort du commerce de centre-ville », ajoutant : « Le Maire s’évertue pourtant à assurer les commerçants du centre-ville de son soutien »

 

«  C’est celui qui le dit qui y est » (X, 4 ans)

Bref, pas de quoi monter au cocotier Et pourtant, si. Ni une ni deux, rebelote dans Le Pays Malouin de la semaine suivante : R. Beaumanoir, « de retour d’un voyage très court et très fatigant » (ceci est-il une info sur la pénibilité du sort du patronat ou une excuse a priori pour les grossièretés qui vont suivre ?) adresse au Pays Malouin qui le publie illico une « Lettre ouverte à la Bêtise ». Vaste programme, aurait dit de Gaulle qui s’y connaissait

Roland Beaumanoir n’y va pas par quatre chemins. Passons sur les qualificatifs puisés dans le registre antiparlementaire le plus éculé: « le sieur Perrin,…politique patenté, irresponsable », « politicard » Sur le fond, l’argument qui revient avec force semble signifier que si on n’a pas soi-même été capable de créer -comme lui- « 7000 emplois en direct, mais aussi 7000 emplois chez des commerçants, et…principalement dans des petites villes », on n’a qu’un droit, celui de se taire, de la fermer, de la boucler, de rengainer son compliment sans moufter Étrange conception de la société, étrange conception de notre démocratie représentative. Notre « électeur attentif et chef d’entreprise » (c’est ainsi qu’il signe son missile) conclut en ces termes : « Vous parlez bien, très bien même, mais comme politicard, M. Perrin ? Combien d’emplois créés ». Bref, comme disait Staline, le Pape, combien de divisions ?

Ces propos ont choqué, y compris dans les rangs des supporters dusupporter en chef du football local, Roland Beaumanoir  Pas très « fair-play », entend-t-on dans les rues de l’agglomération. Quelle mouche l’a piqué ? interrogeait un habitué du marché servannais à la lecture de cette désormais fameuse « lettre ouverte ».

 

La Chanson de Roland

L’affaire ne s’arrête pas à cet argument définitif du nombre éventuel d’emplois créés. C’est vrai que dans cette logique, Berlusconi méritait bien d’être Premier Ministre d’Italie, on sait comment tout cela s’est terminé.

Dans un encadré du même entretien (Le Pays Malouin 18/02/16), notre héros avoue : « Je suis un personnage passionné par la politique ». Usant d’une expression délibérément croquignolette et linguistiquement approximative, il se déclare « passionné, mais pas éligible. Je ne suis pas quelqu’un de très populaire ». Redoutable aveu. La Chanson de Roland n’aura donc pas de couplet explicitement politique.

Même à la Chambre de Commerce, petit cénacle de degré démocratique minimaliste, il confesse son échec et la non-reconnaissance de ses talents par ses pairs : « J’ai toujours été le plus mal élu » Bref, voilà bien de quoi donner des leçons de démocratie à un élu du peuple, constamment élu ou réélu depuis des années et généralement apprécié pour la connaissance de ses dossiers

 

 « Insinuations pourries » 

Stéphane Perrin a dû toucher un point bien sensible dans la cuirasse de Roland Beaumanoir. En parlant malicieusement du Maire de Saint-Malo comme étant son « poulain », il ne rappelait sans doute rien d’autre qu’une connivence connue de tous et médiatisée lors des dernières élections municipales. De là à interpréter cette relation comme la porte ouverte à du copinage, il n’y a qu’un pas que Roland Beaumanoir lui-même, et lui seul, franchit allègrement, en tentant de le faire franchir à son opposant épistolaire. Il faut, en effet, une sacrée dose d’imagination au lecteur pour deviner dans les lignes de S. Perrin une accusation de favoritisme éventuel de l’équipe municipale à l’égard des projets immobiliers et autres de R. Beaumanoir. L’attaque se poursuit en ces termes choisis : « Suis-je dans la moindre illégalité ?…Soyez clair, Monsieur Perrin, arrêtez vos insinuations pourries. S’il y a le moindre favoritisme, il faut attaquer. Vous êtes professeur d’économie ! J’ai peur pour nos enfants ! »

 

Remettre l’économie –et M. Beaumanoir- à leur place

Tout d’un coup, au détour de cette lettre publique, la phrase en trop, l’outrage inacceptable, l’attaque personnelle ressortent aussi brutalement qu’un bras d’honneur : « Vous êtes professeur d’économie ! J’ai peur pour nos enfants ! »

Pourquoi cette charge soudaine sans rapport avec le sujet ?  M. Beaumanoir peut-il fournir des preuves des « insinuations pourries » et des accusations explicites ainsi exprimées sur la place publique envers cet élu dont il ne semble retenir que son identité professionnelle pour mieux disqualifier ses propos politiques ?

Incidemment, ignore-t-il que beaucoup d’enseignants sont eux-mêmes entrepreneurs aussi au sein de leur domaine, innovateurs pédagogiques, preneurs de risques, curieux et ouverts au monde contemporain ? Et tout cela pour des salaires qui, à l’échelle même des comparaisons européennes font bien peu honneur à notre pays.

Ils contribuent à donner cette plus-value culturelle mais aussi économique, qu’est le savoir, investissement collectif précieux pour nos sociétés. À l’heure de l’« économie de la connaissance » chère à l’Union Européenne, les entreprises n’en tiennent-elles pas compte lorsqu’elles recrutent leur personnel ? À rebours, nombre d’entrepreneurs économiques ou financiers, M. Beaumanoir le sait bien, se contentent de rentes qui négligent les investissements d’avenir.

Bref, face à cette « lettre ouverte » d’un des plus importants chefs d’entreprise, au contenu si peu maîtrisé, on reste stupéfait. Beaucoup de malouins aimeraient, au moins, comprendre.et souhaiter –avec Le Malotru- que restent possibles des débats fructueux et réellement démocratiques au sein de nos cités.

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Pour rappel : Le Malotru avait abordé les conceptions politico-économiques de M. Beaumanoir dans une rubrique précédente, le 12 08 2015 :

Dans le rétroviseur (3) : De Spinoza à Grospiron