Eléments d'actualité fiscale - Février, Mars 2025
- Le 07/04/2025
- Dans Economie / Finance
Un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir certaines informations que vous avez peut-être ratées.
Dans cet épisode : les très inquiétantes régressions de l’Administration Trump, la France chute dans le classement mondial de l’indice de perception de la corruption, la mafia corse dans ses œuvres…
Pour vous informer régulièrement, n’oubliez pas non plus le site de l’Observatoire de la Justice Fiscale d’Attac France, et nos contributions locales comme ces Éléments d’actualité fiscale, fruits de la vigilance médiatique de quelques militants de notre comité local.
Chacun des faits mentionnés ci-dessous a été choisi – parmi bien d’autres – comme illustration significative de pratiques que nous combattons. Ces éléments nous paraissent utiles pour nourrir les débats et mener nos combats pour la justice fiscale.
U.S.A. King Donald the 1st Arrière toute…
Donald Trump poursuit son détricotage des normes et standards en matière de transparence financière.
On connaît la célèbre citation de Steve Bannon, ancien conseiller de Trump, résumant la stratégie du Président : « inonder l’espace médiatique avec de la merde » (« flood the zone with shit ») ; en matière fiscale comme dans d’autres domaines on est largement servi. Au-delà de la vulgarité et de la violence des propos tenus par le Président et son équipe les dégâts produits dès les premiers jours de la nouvelle présidence U.S. sont considérables.
Ainsi, par un décret publié le 18 février Donald Trump a décidé que « les fonctionnaires qui exercent de vastes pouvoirs exécutifs doivent être supervisés et contrôlés par le président élu par le peuple ».
« Toutes les agences dont la SEC (Securities and Exchange Commission, l'autorité américaine des marchés financiers) doivent soumettre leurs projets de régulation à l'examen de la Maison-Blanche - sans aucune exception pour les agences dites indépendantes, à l'exception des fonctions de politique monétaire de la Réserve fédérale »
La Maison-Blanche a accompagné ce décret d'un texte d'explication dans lequel elle affirme qu'il s'applique aux « agences dites indépendantes comme la Federal Trade Commission (FTC), la Federal Communications Commission (FCC) et la Securities and Exchange Commission (SEC) ».
« Le régime Trump prétend s'approprier le pouvoir que le Congrès a délégué aux agences de régulation indépendantes et, tel qu'il est rédigé, déclare que l'interprétation de la loi par la Maison-Blanche fait "autorité", sans aucune mention des tribunaux », explique à ArsTechnica, John Bergmayer responsable juridique de l'ONG Public Knowledge. C’est peu de dire que l’état de droit (The Rule of Law), si cher à la tradition juridique et politique anglo-saxonne , est ici totalement bafoué…
Pour rappel, le 11 février dernier Le Monde écrivait que Trump avait demandé par décret à la justice américaine de suspendre toutes les poursuites contre les entreprises pour faits de corruption.
► Donald Trump supprime l’indépendance des agences de régulation FTC, FCC et SEC. Publié par NEXT, le 20/02/2025.
► Ensuring Accountability for All Agencies. Publié par La Maison-Blanche, le 18/02/2025. (En anglais)
► L'administration Trump fait voler en éclats la régulation financière américaine. Publié par Le Monde, le 27/02/2025. (Pour abonnés)
Le gouvernement et les médias français ont très vite réagi en dénonçant les ingérences américaines « inacceptables » après qu’une lettre fut adressée fin mars par l’ambassade des États-Unis exigeant que les entreprises françaises respectent la politique anti-diversité de Trump. Ces entreprises doivent prouver qu’elles ne mettent pas en œuvre de programmes de promotion de la diversité, de l’équité et de l’inclusion qui enfreignent les nouvelles lois fédérales, sous peine de ne pas pouvoir travailler avec le gouvernement américain. Il s’agit, en fait, de l’application hors-frontière du « décret 14 173 », pris par Donald Trump dès le premier jour de son retour à la Maison-Blanche. Son texte signé le 21 janvier affirme que les politiques de diversité « non seulement violent le texte et l’esprit de nos lois fédérales sur les droits civiques, mais portent également atteinte à notre unité nationale. Elles nient, discréditent et sapent les valeurs américaines traditionnelles de travail, d’excellence et de réussite individuelle, au profit d’un système de spoliation identitaire illégal, corrosif et pernicieux ».
► La France dénonce des ingérences américaines « inacceptables » après une lettre exigeant que les entreprises françaises respectent la politique antidiversité de Trump. Publié par Le Monde, le 29/03/2025. (Pour abonnés)
On aurait aimé qu’une réaction au moins aussi puissante se produise lorsque l’administration Trump a annoncé la fin de l’obligation pour les entreprises américaines de déclarer leurs bénéficiaires effectifs. La notion de « bénéficiaire effectif » a fait son entrée dans le droit européen avec la directive 2005/60 du 26 octobre 2005, marquant une avancée majeure dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette disposition impose aux acteurs économiques du secteur financier et non financier de donner l’identité des personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent ou contrôlent, directement ou indirectement, une entité juridique.
De nombreuses O.N.G. dont Transparency International voient dans la décision de l’Administration Trump un sérieux recul en matière de transparence financière et de lutte contre la corruption, qui affaiblit les avancées réalisées ces dernières années pour garantir une meilleure traçabilité des flux financiers et lutter efficacement contre le blanchiment d’argent et l’évasion ou la fraude fiscale.
Selon le Congrès américain, en 2019, une personne souhaitant constituer une société devait généralement fournir moins d’informations que pour ouvrir un compte bancaire ou obtenir un permis de conduire ! Il s’agissait de l’une des principales failles du système américain de lutte anti-blanchiment, soulignées dès 2006 par le Groupe d’action financière (GAFI), organisme international de normalisation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
Ajoutée à cela, la facilité de constituer des sociétés-écrans sur le territoire américain, avaient fait des États-Unis une destination de blanchiment privilégiée des criminels internationaux du monde entier. Les médias et nos associations militantes avaient donné une visibilité particulière à ces scandales en ciblant, entre autres exemples, Isabel dos Santos, la femme la plus riche d’Afrique à l’époque (2020), qui, selon plusieurs enquêtes, avait blanchi des centaines de millions de dollars d’argent public au moyen de sociétés-écrans, dont certaines établies sur le territoire états-unien.
Ce n’est qu’en 2021 que le Congrès - malgré un véto de Donald Trump - a adopté une loi ( le « Corporate Transparency Act ») imposant aux propriétaires de sociétés écrans de révéler leur identité à une agence du ministère du trésor américain, le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN). Seuls le trésor et les forces de l’ordre avaient accès à ces informations, mais cela n’aura pas suffi à contenir la vengeance dévastatrice de Donald Trump soucieux de laisser le champ libre à ses copains kleptocrates…
Comme l’affirment Solène Clément, présidente de l’Observatoire de la lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme et Patrick Lefas, président de Transparency International France, dans leur Tribune au Monde du 19 mars, « Face à cette menace grandissante, il est plus que jamais crucial que les autres pays, et en premier lieu les États membres de l’UE, intensifient leurs efforts pour garantir une transparence financière rigoureuse et accélèrent la mise en œuvre du « paquet » européen antiblanchiment, adopté en mai 2024.
Au nom de l’État de droit, gouvernements occidentaux et organisations de la société civile doivent unir leurs forces pour rejeter l’unilatéralisme et l’isolationnisme américain sans se laisser impressionner par les menaces ».
► « L’administration Trump poursuit son détricotage des normes en matière de transparence financière ». Publié par Le Monde, le 19/03/2025. (Pour abonnés)
► Après les « Luanda leaks », la décomposition de l'empire d'Isabel Dos Santos. Publié par Le Monde, le 04/02/2020. (Pour abonnés)
FRANCE. Pour la première fois, le pays est classé parmi ceux « risquant de perdre le contrôle de la corruption », selon Transparency International
Chaque année depuis 1995, en croisant plusieurs sources fiables, l’O.N.G. établit son classement mondial de l’indice de perception de la corruption. Pour 2024, La France perd cinq places et se retrouve à la 25e position, dix rangs derrière l’Allemagne – et plus loin encore des pays scandinaves… Pour Transparency International « ce signal d’alerte témoigne d’une multiplication des conflits d’intérêts et des affaires de corruption dans un contexte de crise institutionnelle ».
Rappelant que 26 ministres ou proches collaboratrices ou collaborateurs d’Emmanuel Macron sont impliqués dans des affaires politico-financières depuis 2017, d’Alexis Kohler à Rachida Dati, en passant par Aurore Bergé et Philippe Tabarot, l’O.N.G. y voit la traduction d’un « affaiblissement des principes d’exemplarité ».
Parmi les nombreux conflits d’intérêts entre l’État et les lobbies signalés, on retiendra, par exemple, les rencontres secrètes entre Nestlé Waters et des membres du gouvernement et de l’Élysée pour, au mépris de la loi et sans tenir compte des alertes émises par ses institutions spécialisées, préserver une appellation d’eau minérale qui n’a plus de naturelle que le nom…
Le départ, récemment annoncé, d’Alexis Kohler, secrétaire général omnipotent de l’Elysée - surnommé le « vice-président » - pour un poste de directeur général adjoint de la SG (Société Générale), après le choix de Richard Ferrand, l’ami du Président, à la tête du Conseil Constitutionnel, ne font que renforcer chez nos concitoyens ce sentiment de mépris des élites politiques pour les valeurs de probité et d’exemplarité au fondement du pacte social.
Enfin, l’association déplore par ailleurs les attaques répétées de certains politiques contre la justice, contre le non-cumul des mandats, et même contre l’État de droit : « Ces attaques concernent un spectre toujours plus large du personnel politique, comme l’ont illustré les récents propos du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, affirmant que l’État de droit n’était “ni sacré ni intangible”. La remise en cause des institutions démocratiques constitue un glissement inquiétant pour un pays comme la France, qui risque à terme de porter atteinte au pacte républicain ».
Le soutien, critique et actif, aux associations luttant contre la corruption parait plus que jamais un acte nécessaire et urgent des citoyens.
► La France dégringole dans le classement de la lutte anticorruption. Publié par Mediapart, le 11/02/2025. (Pour abonnés)
FRANCE. Comme à Malte et à Naples, derrière la bonne réputation, la mafia Corse…
Les termes Corse et mafia sont souvent associés médiatiquement dans une vision un peu « folklorique » et romantique qui édulcore la violence intrinsèque à ce système. La formidable exposition récemment consacrée au travail de la journaliste-photographe Letizia Battaglia (1935-2022) au Jeu de Paume illustre les terribles réalités qui ont touché Palerme et la Sicile dans les années 1970-1980. On lira aussi avec intérêt son livre d’entretiens avec Sabrina Pisu.
Certes la Corse n’est pas la Sicile mais derrière des appellations « sympathiques » comme la Bande du Petit Bar on trouve des relations socio-économiques et financières qui ne sont pas sans rappeler celles qui ont caractérisé trop longtemps la Pieuvre, métaphore explicite des infiltrations mafieuses et de ses canaux de blanchiment…
Ainsi un promoteur corse jouissant d’une certaine célébrité et d’une bien réelle prospérité, comparaissant aujourd’hui libre sous contrôle judiciaire, est-il apparu, au fil d’une enquête concernant les finances du groupe du Petit Bar, comme « le trait d’union indispensable permettant à l’organisation criminelle d’être au contact d’un monde financier auquel il leur était, a priori, difficile d’accéder, et ce afin de faciliter leurs investissements immobiliers ou dans des biens luxueux (montres, véhicules haut de gamme) ».
Les juges - dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Marseille, signalent que « la complexité des montages financiers et le recours à divers intermédiaires et comptes bancaires à l’étranger ne permettaient pas de déterminer avec précision l’ensemble des transferts de fonds ».
On se rappellera peut-être que, comme l’indiquait un article du Monde paru en 2018, c’est en 2002 que « le nom du Petit Bar apparaît dans une affaire d’extorsion de fonds où un homme de 38 ans paie de sa vie sa volonté d’acheter un établissement à Ajaccio. En 2004, Roger Polverelli, une ancienne figure du banditisme corse, est tué dans le commerce de sa femme, juste devant la préfecture. Sa faute ? S’être interposé dans une affaire de racket »… L’affaire a pris, depuis, d’autres dimensions que les trois mois d’audience qui viennent de commencer devraient permettre d’éclairer. On y trouve tous les ingrédients décrits par le journaliste Alain Verdi, journaliste (France Télévision, France 3 Corse à la retraite) qui alimente, de manière irrégulière, un blog: 'E Pericoloso sporgersi' : « Une organisation de « type mafieux » est généralement pérenne. Elle est installée, de longue date, dans la société. Elle regroupe quatre domaines : banditisme, monde de l’entreprise, professionnels du droit et des administrations et des « référents » dans le monde politique, à tous les niveaux ».
► Je m’empare du monde où qu’il soit, Letizia Battaglia et Sabrina Pisu. Publié par Actes Sud, Janvier 2025.
► Exposition du Jeu de Paume, le livre. Dario Cimorelli Editeur, 2024.
► Antony Perrino, le promoteur ami d’enfance. Publié par Mediapart, le 21/02/2025. (Pour abonnés)
► Le Petit Bar, une saga du banditisme corse. Publié par Le Monde, le 19/02/2025. (Pour abonnés)
► À quoi ressemble une organisation de « type mafieux » ? Publié par Mediapart, le 27/04/2025.
CORSE, encore…
Fraudes aux subventions agricoles européennes: Un lanceur d’alerte assassiné. Le responsable de Via Campagnola, la branche corse de la Confédération paysanne, tué sur son exploitation.
Pierre Alessandri, 55 ans, tué lundi 17 mars sur son exploitation de Corse-du-Sud, était le responsable de Via Campagnola, la branche corse de la Confédération paysanne. Pour l’association Anticor, « Il était l’un des lanceurs d’alerte dans l’affaire des fraudes aux subventions agricoles. Cette tragédie s’inscrit dans un climat de pratiques mafieuses et corruptives qui gangrènent le territoire corse et mettent à mal l’État de droit ».
Pierre Alessandri était bien connu. Ce militant dénonçait avec force et depuis longtemps les dérives de l’agriculture en Corse. Il n’hésitait pas à dénoncer les pratiques douteuses de certains notables et de la FNSEA. En avril 2019, sa distillerie avait été détruite par un incendie criminel. Les auteurs n’ont jamais été identifiés, un non-lieu a été rendu par un juge d’instruction d’Ajaccio.
Mediapart rappelle dans son article du 19 mars que Anticor avait déposé plainte en 2018 contre X auprès du Parquet national financier pour détournement, recel et blanchiment de subventions européennes. L’association anticorruption estimait que 36 millions d’euros auraient été détournés en Corse par des agriculteurs, entre 2015 et 2018, avec « l’accord et la complicité des autorités de contrôle », c’est-à-dire les services de l’État et l’« accompagnement de personnes très bien informées de la complexité et des failles du système de distribution des aides », à savoir les chambres d’agriculture. Le dossier n’est pas encore clos.
Dans une émission qui a fait date, le 29 mars 2019, France 3 Corse ViaStella avait donné la parole à des acteurs du monde agricole corse à propos des fameuses fraudes. Face aux ténors bouillonnant de colère, Pierre Alessandri avait alors dénoncé avec force l’omerta et « le système clientéliste et clanique qui prévaut dans l’attribution des aides agricoles ». Il avait peut-être alors signé son arrêt de mort. L’enquête qui vient de commencer aboutira t-elle à des charges précises ? À suivre...
► Un syndicaliste agricole assassiné en Corse. Publié par Mediapart, le 19/03/2025. (Pour abonnés)
UN BREF REGARD SUR D’AUTRES ÉLÉMENTS
Menacé par la montée des eaux, Nauru vend sa nationalité pour payer la protection de ses habitants.
► L'article, publié par Ouest-France et AFP, le 26/02/2025.
Gérard Depardieu visé par une enquête judiciaire pour fraude fiscale.
► L'article, publié par Mediapart, le 24/02/2025. (Pour abonnés)
Arnaud Mimran, prince noir de la mafia du carbone, sur le chemin des assises
► L'article publié par Mediapart, le 16/02/2025. (Pour abonnés)
La CJUE condamne le Luxembourg à une amende.
Le Luxembourg n’a pas transposé à temps les dispositions de la « directive sur les lanceurs d’alerte ».
► L'article, publié par Virgule, le 06/03/2025.
Fonds vautours, le retour… (Titre original : how Wall Street is making millions betting against green laws)
► L'article, publié par The Guardian, le 05/03/2025. (En anglais, passionnant)
Avec 20 milliards d’euros de fraudes détectées en 2024, le gouvernement veut passer à l’offensive
► L'article, publié par Ouest-France, le 14/03/2025. (Pour abonnés)
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