Les anglo-normandes, remue-méninges à tout-va

Le système financier et bancaire des îles anglo-normandes sous pression.

Jersey Finance au paradis

Coffre angloL'espace de ce billet ne suffirait pas à rendre compte de toutes les étonnantes évolutions récentes du débat public à Jersey mais aussi dans les autres îles anglo-normandes, notamment à la suite d'élections marquées par un coup de balais de vieilles figures de l'establishment à Jersey (voir article du Malotru, juillet 2022).

La pression exercée sur les institutions financières et bancaires a conduit à de spectaculaires gels d'avoirs identifiés comme ayant un lien avec les oligarques proches de Poutine. Même si par nature, l'opacité de nombreuses « coquilles » rend impossible l'identifiaction de leurs réels propriétaires (voir article du Malotru), Jersey a vu là l'occasion de redorer son blason en montrant sa « bonne volonté » de coopération aux autorités qui la supervisent et, parfois la menacent, comme l'OCDE. Fin juillet, six mois après l'invasion de l'Ukraine, le montant des avoirs gelés s'élevait à la coquette somme de £1,157,300,000 mais on reste sans doute encore loin de la réalité…

Le Jersey Evening Post laisse parfois transpirer une voix dissonante dans son Courrier des Lecteurs sur la nature essentiellement mono-industrielle, celle de la Finance à taxation nulle ou faible, comme cet extrait significatif d'un message envoyé le 30 novembre par un certain Mike Alexander. On y retrouvera des échos de ce que dénoncent depuis plus de 20 ans nos ami(e)s d'Attac Jersey :

Où ailleurs dans le monde une île offre t-elle un impôt sur les sociétés de zéro pour cent tout en taxant la nourritue ?

Où ailleurs dans le monde une île offre t-elle un traitement préférentiel aux firmes financières échappant à l'impôt, avec pour seul souci de contourner l'impôt sur les transmissions de patrimoine, l'impôt sur les sociétés et sur les bénéfices au détriment d'autres nations ?

Où ailleurs dans le monde de riches exilés fiscaux non seulement obtiennent un faible taux d'imposition mais se voient accorder le droit d'ériger de somptueuses demeures en bord de mer dans les sites les plus remarquables de Jersey ?

Où ailleurs dans le monde des investisseurs encouragés par les autorités montrent aussi peu d'intérêt pour les conséquences du surcoût du marché immobilier et l'impact sur l'avenir de l'île en termes fiscaux et de soutenabilité économique, particulièrement avec une démographie vieillissante ? Souvent parmi les promoteurs et les investisseurs à usage locatif on retrouve certains de nos figures politiques.

Où ailleurs dans le monde une île fait-elle des affaires avec des pays qui se lancent dans des guerres illégales et d'autres dont le bilan en termes de droits humains est effrayant, tout en se cachant derrière l'argument boîteux du « mais notre régulation fonctionne » pour justifier tout cela ?

Texte intégral, en anglais, accessible sur le site du Jersey Evening Post.

Naissance in-vitro d'un impôt: Guernesey aux prises avec ses limites fiscales

Notre comité local n'a cessé de rappeler que les îles anglo-normandes constituaient un microcosme du néo-libéralisme, une sorte d'utopie réalisée pour des néo-libertariens ou des idéologues de l'École de Chicago, idéalement sans parti politique ni syndicat ni autre obstacle au développement des forces économiques… Le modèle a ses limites, notamment, on l'a vu en période de crise où les citoyens longtemps tenus dans l'apathie organisée se tournent vers l'état au moment où sa déliquescence éclate au grand jour.

Quitte à "manger leur chapeau" les élus de Guernesey se voient aujourd'hui contraints de renier leurs engagements de campagne - d'il y a quelques mois seulement - et de demander à leur population d'acquiescer à la naissance d'une TVA sur la consommation afin d'obtenir des marges de manoeuvre pour assurer les services minimaux attendus par les citoyens. Cela donne lieu à des échanges quasi surréalistes lors de réunions publiques pour préparer l'opinion à cet impôt. Savourez:

Un élu : À notre grand regret, nous sommes obligés d'appeler à créer cette T.V.A. car si nous ne le faisons pas, il n'y aura pas de quoi garder ouvertes nos écoles, nos bibliothèques, de quoi maintenir notre système de santé… C'est désormais une question vitale pour conserver des services acceptables (…) On a, en fait, beaucoup de gens très aisés mais qui contribuent bien peu par leurs contributions…

Guernsey Press : Autoriserez-vous un référendum sur ce problème qui divise la population ? Vous pouvez toujours poser la question « voulez-vous une TVA ? » Cocher la case; mais il faut y ajouter aussitôt une autre question : « Souhaitez-vous fermer l'hôpital ou une école ?  » Et puis une autre question : « L'hôpital, avec 100 ou 200 salariés ?  »…

Texte intégral, en anglais, accessible  sur le site du Guernsey Press.

Les autres articles de cette série

Éditorial ► Évasion fiscale, paradis fiscaux, finances, Jersey…

1ère partie  ► Une coupe empoisonnée et une drahison

2ème partie  ► La Cour Européenne de Justice : transparence oui… mais finalement non

4ème partie  ► Quand Jersey se fait -doucement- gronder… et fait les yeux doux aux cousins normands et bretons

5ème partie  ► Hommage : Renaud van Ruymbeke publie Offshore

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